Par Leslie Carretero le

 

En l'espace de quelques semaines, deux tribunaux administratifs, celui de Melun (Seine et Marne) et celui de Pau (Pyrénées Atlantiques) ont annulé des demandes de renvoi de demandeurs d'asile en Italie, "eu égard à la politique mené par les autorités Italiennes ....

e sont des décisions qui pourraient faire jurisprudence pour bon nombre de "dublinés" présents en France. Deux tribunaux administratifs ont décidé à quelques semaines d’intervalle d’annuler le renvoi en Italie de demandeurs d’asile arrivés en France via l’Italie, au regard de la politique italienne à l’égard des migrants.  

"Risque de traitement inhumain ou dégradant"

Mardi 18 septembre, le tribunal de Melun, en Seine-et-Marne, a considéré que les propos du demandeur d’asile affirmant avoir été empêché de déposer une demande d’asile en Italie étaient "vraisemblables eu égard à la politique menée par les autorités italiennes". Le juge rappelle que ces dernières "ont elles-mêmes affirmé ne pas être en mesure de traiter les demandes d’asile présentées par les personnes accostant sur leur territoire dans des conditions conformes au respect du droit d’asile", écrit le quotidien local Le Dauphiné, qui relate cette affaire.

Lundi 15 octobre, c’est le tribunal administratif de Pau qui rend un jugement similaire. S’appuyant sur des rapports de Médecins sans frontières, Amnesty international et du comité des droits de l’Homme de l’organisation des Nations-Unies, le juge a estimé que "le système italien de traitement de l’asile et les conditions matérielles d’accueil des demandeurs d’asile, voire des réfugiés, (…) peuvent désormais être regardés comme affectés de défaillances systémiques qui, portant en particulier sur le droit au logement et à la santé, l’exposent à un risque de traitement inhumain ou dégradant", peut-on lire dans l’arrêt du tribunal de Pau que InfoMigrants s’est procuré.

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Les différents rapports des ONG mettent en avant la difficulté – voire l’impossibilité – de déposer une demande d’asile en Italie. Amnesty signale notamment qu’en 2017-2018, l’Italie a reçu 130 000 demandes d’asile mais n’a pu en traiter qu’environ 40%.

"C’est un jugement inédit"

"C’est une première, un jugement inédit", se réjouit à InfoMigrants Selvinah Pather, avocate qui représente le demandeur d’asile à Pau. "La politique anti-migrants du ministre italien de l’Intérieur Matteo Salvini a joué dans la décision du tribunal", affirme-t-elle.

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Ce n’est pas la première fois qu’un tribunal souligne les défaillances de Rome en matière de droit d’asile mais ceux de Melun et de Pau vont plus loin, puisqu’ils invoquent clairement la politique du gouvernement italien envers les migrants.

À son arrivée au pouvoir en juin dernier, Matteo Salvini a fait de la lutte contre l’immigration illégale une priorité, multipliant ainsi les déclarations et les décisions controversées : fermeture des ports aux navires humanitaires ayant secouru des migrants, menace de renvoi des migrants en Libye, enquête à son encontre pour séquestration de migrants après avoir refusé pendant 10 jours à une dizaine de migrants de débarquer en Italie, volonté d’instaurer un couvre-feu pour les supérettes tenues par des étrangers, limitation des permis de séjours humanitaires…

Ces jugements font figure de camouflet pour la politique du président français Emmanuel Macron qui souhaite renvoyer plus de migrants vers l’Italie. Son ancien ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, en avait même fait une priorité.

Reste que le nombre de migrants renvoyés en Italie par la France est toutefois très faible : ils n’étaient que 2 330 en 2017, soit moins de 6%.