le 19/11/19

La simple idée qu’ils puissent à nouveau être séparés brouille leurs regards. Najibullah, 56 ans, vit à Alençon depuis 2004. Zuhal, sa fille de 22 ans, est arrivée en juillet dernier. Il est allé la chercher dans un centre de rétention à Francfort en Allemagne. En septembre, la jeune Afghane a déposé une demande d’asile pour pouvoir rester chez son père car elle n’a plus que lui.

 

L’angoisse de la séparation

 

Le souci, c’est que le 2 octobre, le chef du pôle « Dublin » de Normandie, à la préfecture de Seine-Maritime a rejeté sa demande et prononcé un arrêté de transfert vers l’Allemagne. Zuhal a déposé une requête en annulation le 15 octobre. Requête rejetée par le tribunal administratif de Caen le 8 novembre. Désormais, père et fille vivent dans l’angoisse de la séparation.

 

L’histoire de Najibullah et de Zuhal est tragique. En 2001, la femme et le bébé de cet ancien commandant de l’armée afghane sont morts dans un attentat à Kaboul. Menacé par les talibans, il a pris la fuite confiant sa fille Zuhal, alors âgée de 4 ans, à sa belle-mère. « Il n’a eu de cesse de la faire venir depuis, mais la procédure de réunification familiale a toujours échoué », témoigne Marie-Claire Cuesta, bénévole à la Cimade.

Menacée de mariage forcé

 

À Alençon, Najibullah s’est remarié, a eu une autre fille qui a 14 ans aujourd’hui. Il travaille chez Vitraglass depuis treize ans. Zuhal, elle, a étudié le droit à Kaboul jusqu’en octobre 2017. À la mort de sa grand-mère maternelle, ses oncles lui ont interdit d’aller à la fac et ont voulu la marier de force à un intégriste. La jeune fille s’est enfuie à Dubaï. Puis elle est allée au Vietnam et est arrivée en Allemagne où elle a été arrêtée.

 

Parce qu’elle a été contrôlée outre-Rhin, Zuhal fait partie de ces étrangers que l’on appelle des Dublinés. Son sort dépend d’un règlement européen qui définit la procédure de demande d’asile. Et selon les critères de cette réglementation, elle est dans l’obligation de déposer sa demande dans le premier pays où elle a été contrôlée, en l’occurrence l’Allemagne.

 

Une décision « inadmissible »

 

Peu importe que la jeune fille n’ait aucune famille là-bas. Qu’elle vive chez son père depuis quatre mois, qu’elle ait fait connaissance de sa jeune sœur. Qu’elle participe de son plein gré, trois fois par semaine, à des ateliers d’apprentissage de la langue française. Qu’elle regarde la télévision française pour s’imprégner davantage encore de la culture du pays dans lequel son père a trouvé asile.

 

La Cimade et la Ligue des Droits de l’Homme appellent à se mobiliser. Une pétition demandant l’annulation de l’arrêté de transfert a été rédigée à l’intention du préfet de Seine-Maritime et du ministre de l’Intérieur. Soutenue par l’Alençonnaise d’origine afghane, Chela Noori, interprète en langue dari auprès des tribunaux, Zuhal fait appel de la décision. Son avocat, à Nantes, estime ce rejet « inadmissible ».