Éditorial

Durcir sans trop choquer : on devine que tel était le mot d’ordre implicite qui a présidé aux mesures nouvelles annoncées par le gouvernement en matière d’immigration. Ainsi ces dispositions ne touchent pas, ou peu, à deux piliers du système français que sont le droit d’asile et la possibilité pour les demandeurs et les sans-papiers de se faire soigner, grâce aux dispositifs appelés Puma pour les premiers et AME pour les seconds. Le durcissement est néanmoins patent, symbolisé par une nouvelle règle franchement choquante : le délai de carence de trois mois exigé aux demandeurs d’asile avant qu’ils puissent accéder aux soins. On comprend qu’il faut s’efforcer de limiter les abus, dont on rend responsables, entre autres, les postulants venant de Géorgie ou d’Albanie. Mais comme souvent dans cette circonstance, on pénalisera non les seuls «touristes médicaux» (dont le nombre demande à être évalué), mais l’ensemble des candidats à l’asile, qui voient leurs droits soudain amputés alors qu’ils ne sont responsables d’aucun abus. Avec les risques pour la santé qui s’attachent à cette restriction. On vise une minorité, on pénalise la majorité. Plus nuancé, en revanche, est le jugement qu’on peut porter sur l’instauration de quotas (on parle aussi «d’objectifs»). Le principe existe déjà : il est réaffirmé et mis à jour. Il implique, comme le dit Yannick Jadot, une reconnaissance de l’utilité de l’immigration pour l’économie (pour certains secteurs en tout cas). Mais il peut déboucher, comme en Australie, sur un féroce durcissement des procédures d’expulsion. Ou bien organiser plus efficacement l’accueil de la main-d’œuvre étrangère. Le diable est dans les mesures d’application… Au total, l’affaire est surtout politique. Il s’agissait de tendre quelques perches à l’électorat de droite. Sous cet angle, le macronisme est dans la continuité…