Publié le 10 septembre 2015

Migrants. À Brest aussi, la réponse s'organise

 

Publié le 10 septembre 2015

 

Une famille de demandeurs d'asile tchétchènes, en compagnie de membres de l'asso Solidarité Iroise, au Conquet.

Tandis que des dizaines de milliers de migrants syriens, massés aux portes de l'Europe, attendent que les responsables politiques décident de leur sort, plusieurs centaines de Français se préparent, d'ores et déjà, à accueillir des réfugiés politiques.

 

Une démarche tout à fait personnelle que n'ont pas hésité à adopter de nombreuses familles de la région brestoise.

 

Rencontre avec deux d'entre elles.

 

 

En voyant les images à la télé, en écoutant la radio, et en constatant la frilosité des pouvoirs publics, je me suis dit qu'il fallait que je fasse quelque chose. » Comme des centaines d'autres Français, dont plusieurs dizaines en Bretagne et dans la région de Brest, Fanch, 68 ans, a fini par ne plus supporter ce qu'il lui est donné de voir depuis de trop longues semaines. Après en avoir discuté avec deux autres couples d'amis, il s'est décidé à rejoindre le réseau « Calm », doux acronyme de « Comme à la maison » (lire par ailleurs). Une façon, pour cet électronicien à la retraite et ancien syndicaliste, d'agir « face à l'absence de réponses » et de contribuer à donner « une autre image de la France ». « Si l'on s'en réfère aux sondages, 56 % des Français sont hostiles à l'idée d'accueillir des étrangers. C'est quelque chose que j'ai du mal à accepter, à comprendre. "Charlie" n'est pourtant pas si loin... », se désole-t-il, lui qui coule aujourd'hui des jours heureux dans l'accueillante campagne de Saint-Urbain, en compagnie de sa femme, Anne-Marie. Très vite, cette dernière abonde : « Trop de Français ont une perception des migrants qui n'est pas la bonne. Ce sont des humains comme nous. Aujourd'hui, ce sont eux, mais qui nous dit que, demain, ce ne seront pas nos enfants ? ». Indéniablement, leur charmant corps de ferme, rénové par leurs soins, peut faire, temporairement, le bonheur d'une famille de réfugiés. « Nous nous sommes proposés pour accueillir des demandeurs d'asile pour une durée allant d'un à trois mois », poursuit Fanch, bien conscient que, seul, il ne pourra pas faire des miracles. Titres de séjour, scolarisation des enfants, apprentissage de la langue, prise en charge médicale : « Les besoins des réfugiés sont multiples », poursuit-il.

 

« Une situation d'urgence »

 


Cette démarche, Émilie, 35 ans, et Fred, 38 ans, un couple habitant dans le quartier de Saint-Pierre, à Brest, ont également décidé de l'entreprendre. « Ces derniers temps, l'actualité s'est brusquement accélérée », lâche Fred, animateur à Kerédern. « L'épisode de la photo choc (celle du petit Aylan, décédé sur une plage de Bodrum, en Turquie, NDLR) a agi comme un déclencheur. On en a parlé avec nos enfants (âgés de 9 et 11 ans) et on s'est décidé à rejoindre le réseau Calm ». Eux aussi ont mis une chambre (rebaptisée « chambre Charlie ») à disposition de qui en aurait besoin. Une façon, selon Émilie, de répondre « à une situation d'urgence ». « Pour l'instant, les choses ne sont pas organisées. Ce ne peut être qu'une solution temporaire », poursuit-elle. Car si, pour eux aussi, rejoindre la communauté de bienfaiteurs bénévoles est « une façon de montrer que la France n'est pas uniquement composée de gens renfermés sur eux-mêmes », la réponse ne pourra passer que par un accompagnement des pouvoirs publics et de l'association Singa, à l'origine de l'initiative Calm.

 

« Une organisation est nécessaire »

 


En attendant de connaître les conclusions de la réunion de travail proposée, samedi prochain, par le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, aux maires de France, un certain flou persiste. « Quelle sera la position de la ville ? », s'interroge Émilie, dont la proposition faite au réseau Calm est, par ailleurs, toujours à l'étude. « Heureusement que l'association Singa se renseigne sur nous », affirme à ce sujet l'intéressée. « Pour nous sécuriser, et pour sécuriser les migrants aussi, une organisation est nécessaire ! ». À Saint-Urbain, outre ces initiatives privées, la question d'un recensement des logements vacants que compte la commune, ainsi que celle de la mise à disposition d'équipements communaux, a été évoquée, dès mardi soir, en conseil municipal. Ce qui ne manque pas de conforter Fanch dans sa démarche. « On se sent soutenu », assure-t-il. Le maire, Jean-Louis Vignon (sans étiquette) entend ainsi anticiper d'éventuels besoins. « On n'a rien fait d'extraordinaire, explique l'élu. Quand j'étais petit, on m'a appris que la France était une terre d'accueil... ». Se sentant « très peu aidé par l'État », Jean-Louis Vignon, qui envisage la création d'un collectif citoyen, sait toutefois que la route est encore longue, surtout pour ceux à qui Saint-Urbain entend « ouvrir les bras ». « On n'en est même qu'au tout début ».