Le Défenseur des Droits (Jacques TOUBON) déplore l'insuffisant respect des droits des mineurs exilés dans son rapport d'observation du démantèlement des camps de Calais et Paris
Communiqué de presse du Mardi 20/12/16
L'année 2016 a connu des opérations de démantèlement de campements de migrants d'une particulière envergure, à Calais et à Paris. Ces « points de fixation », qui semblent chaque fois se reformer aussi vite qu'ils ont été évacués, apparaissent comme le symptôme de l'échec de la politique européenne d'accueil des réfugiés.
Depuis plusieurs années, le Défenseur des droits dénonce fermement l'existence des bidonvilles mais reste cependant vigilant à l'égard des modalités selon lesquelles se déroule leur démantèlement et veille à ce que de véritables solutions alternatives d'hébergement soient proposées aux exilés.
A l'automne 2016, le Défenseur des droits a fait usage des pouvoirs qui lui sont dévolus en mandatant sur place des agents chargés d'observer les conditions dans lesquelles se déroulaient les opérations d'évacuation à Calais et à Paris, puis la prise en charge des exilés, qu'il s'agisse des mineurs conduits dans des centres d'accueil et d'orientation des mineurs non accompagnés (CAOMI) ou des adultes dirigés vers des centres d'accueil et d'orientation (CAO).
L'objectif du Défenseur des droits était de pouvoir rendre compte de la pertinence des moyens déployés par l'Etat pour garantir la conformité de ces opérations aux obligations de respect des droits fondamentaux qui lui incombent.
Le premier constat du Défenseur des droits concerne le manque d'anticipation et d'informations données, dans la préparation des opérations de démantèlement et au cours de celles-ci, par les pouvoirs publics. Le Défenseur des droits déplore aussi les conditions dans lesquelles ont été effectuées les orientations des personnes en fonction d'une minorité ou d'une majorité d'apparence fondées uniquement sur des critères subjectifs.
Pour autant, lors de l'évacuation et dans un contexte particulièrement sensible, les agents du Défenseur des droits qui sont demeurés présents à Calais tout au long de la conduite de cette opération d'une ampleur sans précédent ont pu circuler et échanger librement avec l'ensemble des intervenants, et ont constaté le professionnalisme des forces de l'ordre.
En deuxième lieu, en ce qui concerne la prise en charge des mineurs non accompagnés après l'évacuation de la Lande de Calais, de nombreuses vérifications au sein des CAOMI ont été effectuées par les agents et délégués du Défenseur des droits. Il ressort de leurs constatations qu'il existe une grande hétérogénéité dans les prises en charge de ces mineurs, des équipes recrutées, des relations avec les départements et des informations transmises aux jeunes dans le cadre de leur accompagnement, partout insuffisantes.
Le Défenseur des droits rappelle que les opérations d'évacuation doivent être anticipées, préparées, coordonnées, pour éviter qu'elles ne fragilisent encore davantage la situation des personnes exilées. Le Défenseur des droits regrette que l'intérêt des mineurs non accompagnés n'ait pas fait l'objet d'une priorité. Au lieu de mesurer la réalité de la situation et de prévoir des mesures efficientes de protection, l'Etat a multiplié les dispositifs dérogatoires, les sas de transit, en amont du droit commun du dispositif de protection de l'enfance, et doit aujourd'hui se mobiliser aux côtés des départements pour les soutenir dans leur mission de protection de ces mineurs.
Il souhaite que les pouvoirs publics donnent aux jeunes présents dans les CAOMI un statut légal, et garantissent leur accès aux droits à l'éducation et à la santé.
De manière plus générale, les conditions dans lesquelles se déroulent les opérations de démantèlement de campements précaires ou de bidonvilles plus durablement installés posent la question de l'accueil des migrants et des exilés en France. Plutôt que de rechercher les conditions d'un accueil digne et pérenne de personnes en quête de protection, d'autres logiques priment : la suspicion à l'égard de celui qui pourrait être un faux mineur, un faux demandeur d'asile, la dissuasion à l'égard des potentiels demandeurs d'asile craignant d'être renvoyés vers un Etat dans lequel ils risquent de subir des traitements inhumains ou dégradants ; le désengagement à l'égard des mineurs qu'on souhaite avant tout confier au Royaume-Uni.
Les constats dressés dans ce rapport d'observation indiquent à quel point les solutions mises en œuvre, même lorsqu'elles se présentent comme humanitaires, sont davantage empreintes de considérations liées à la maîtrise des flux migratoires qu'aux exigences du respect des droits fondamentaux des intéressés.