Déclaration du 02/10/2016

Un an après la noyade du petit Aylan Kurdi sur les côtes grecques, malgré ce qui semblait avoir secoué les consciences, on meurt toujours en nombre en Méditerranée, sur le chemin vers l’Europe et à nos frontières.

Comment pourrions-nous, en tant que citoyens vivant en France, comment pourrions-nous oublier ces milliers de femmes, d’hommes et d’enfants qui ont perdu la vie alors qu’ils tentaient de fuir. Plus de 10 000 migrants auront perdu la vie en Méditerranée, en tentant de rejoindre l'Europe, depuis 2014, selon le HCR.
Et déjà 3.200 décès depuis le début de 2016,
Les Syriens et les Iraquiens qui fuient la guerre et l’horreur des crimes commis et par leurs dirigeants, et par Daesh ; les Erythréens qui fuient une effrayante dictature ; les subsahariens qui fuient massacres, famine et misère ; les raisons sont multiples mais toutes légitimes.
Les résultats de la politique migratoire européenne ne peuvent que susciter la colère.

A Calais la population du bidonville dépasse les 10 000 personnes.
Face aux drames vécus au quotidien par les réfugiée-es/migrante-es, aussi bien aux portes de l’Europe qu’au sein de celle-ci, les gouvernements européens et français persistent dans leurs politiques mortifères.
Alors que les égoïstes nationaux, les pressions des extrêmes droites et des droites extrêmes et de ceux/celles qui surfent sur les mêmes idées populistes, ne cessent de monter, les résistances se multiplient : les réfugié-es eux-mêmes mais aussi des individus, des habitant-es, des associations, des collectifs... afin de rappeler l’importance fondamentale des valeurs d’accueil, de solidarité et de partage.

A Brest, depuis un an, un réseau d'organisations et d'individus s'est constitué pour faire en sorte que l'accueil des migrants dans notre région se passe au mieux, ou disons au moins mal. La situation n'en reste pas moins dramatique puisque de nombreux migrant-e-s sont à la rue dans notre ville, ils n'ont pas de toit pour dormir, manger, vivre..., avec souvent des enfants, parfois très jeunes, parfois même des nouveaux nés. Que ces personnes aient ou non des papiers, cette situation n'est pas humainement acceptable. Face aux carences de l'Etat, qui reste le 1er responsable en la matière, des maires à Paris, à Grande Synthe, à Rennes ou à Nantes, ont pris les devants en cherchant des solutions d'hébergement pour ces sans toit. A Brest, la collectivité doit faire de même. C'est un devoir humanitaire

Depuis 6 mois, les militant-e-s du réseau sont saisis de situations de plus en plus nombreuses de jeunes exclus du dispositif de l’Aide sociale à l'enfance, des mineurs isolés étrangers, dits "MIE", aujourd'hui les "MNA", mineurs non accompagnés.
Pour certains, c'est que leur situation est encore à l'étude et cette étude de dossier traîne et traîne dans les dédales administratifs du palais de justice et du bureau du procureur, parfois 3, 4, 6 mois !!
Pendant ce temps-là, ces jeunes sont abandonnés à eux-mêmes, certes hébergés dans des hôtels brestois et nourris, mais sans accompagnement social suffisant et surtout sans accès à la scolarisation qu’ils souhaitent ardemment, et dont ils tirent admirablement parti quand elle leur est ouverte.
D'autres sont exclus de l'aide sociale à l'enfance sous prétexte qu'ils seraient majeurs ;
je dis sous prétexte parce les critères retenus par le procureur nous semblent tout à fait contestables
Depuis le mois de mars, depuis que les tests génitaux sont enfin interdits par la loi, le procureur a recours à des tests osseux, qui vont mettre en évidence le développement morphologique des gamins. Ces tests, d'un autre âge, sont dénoncés tant par le Défenseur des Droits que par l'Ordre des médecins lui-même.
Depuis 3 mois, nous avons été 13 fois devant le Juge des enfants pour contester la négation de leur minorité par le procureur sur la base de ces examens osseux, et dans 11 cas sur 13, le juge nous a donné raison en obligeant le Conseil départemental à reprendre en charge ces enfants

Nous voulons accueillir les migrants dans la dignité,
C'est un problème d'humanité. En d'autres temps, nous avons su faire face. Nous avons accueilli des pieds noirs, des boat-people, des chiliens ... Comment, aujourd'hui, pourrait-on tolérer ce qui se passe sous nos yeux sans réagir plus que nous ne le faisons ? Des populations d'hommes, de femmes et d'enfants viennent en confiance frapper à nos portes. Nous sommes 500 millions d'Européens et nous ne pourrions accueillir dignement quelques centaines de milliers de réfugiés ? Alors que des petits pays comme la Jordanie et Le Liban en reçoivent, à eux seuls, quelque 3 millions...

Le Réseau, les organisations et individus qui le composent, se rassemble aujourd'hui pour exprimer sa solidarité active aux migrants, et pour protester contre les politiques européennes, en particulier ici française, et affirmer notre attachement au droit d’asile et à la liberté de circulation. Le cadre juridique de l’asile, et son application souvent trop restrictive, comme nos politiques migratoires, sont en décalage avec les réalités migratoires actuelles : la distinction entre les causes politiques et économiques nie la multiplicité des migrations et dépolitise la question de l’environnement et du dérèglement climatique !!! Nous exigeons que le dispositif national d’accueil annoncé et promis voie enfin le jour en France, pour que les migrants ne soient plus laissés à la rue sans protection ni prise en charge !

Plus que jamais, nous réaffirmons qu’une autre Europe est nécessaire, plus solidaire, démocrate, ouverte sur le monde et plus égalitaire ! Alors de Lampedusa à Calais, en passant par Brest, nous disons aujourd'hui bienvenue aux migrant-e-s !